FONTAINE DUPLESSY

  • QUOI : FONTAINE DUPLESSY / Fontaine de Du Plessy / Fontaine Duplessis / Fontaine de l'Hotel Duplessy / Fontaine du Domaine Duplessy

  • QUI : Pierre Michel Duplessy (1633-1693), ingénieur du roi et architecte. (en 1662 chargé notamment par Vauban de diriger les travaux du Château-Trompette, puis en 1673 de construire la porte d'Albret, et la chapelle des Jacobins - aujourd'hui l'église Notre Dame)

  • : Dans une cour intérieure, au niveau de la cave d’un immeuble privé à l'angle de la rue Albert-de-Mun/Duplessy. Au fond d'un arceau, en contre-bas de la rue (de près de 4 mètres) dans une maison acquise par la suite par M. Paul Flaugergues (négociant à Bordeaux).

  • QUAND : fin du XVII ème/début XVIII ème siècle.

  • COMMENT :

> NATURE/CONSTRUCTION: En pierre, architecture de style Louis XV, fontaine "encaissée" et voutée.

> ÉTAT: Toujours existante mais non accessible au public, et toujours en eau. (sur domaine privé)

  • COMBIEN : 1 exemplaire

  • POURQUOI : Le nom de la fontaine est celui de l'ancien domaine des "Duplessy", dont la rue porte elle aussi toujours le nom.

  • LOCALISATION

Coordonnées GPS: 44.84809, -0.58088.

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  • CONTEXTE

Jadis un réseau hydrographique issu du plateau landais convergeait dans le quartier du Jardin public où affleuraient de nombreuses sources, fontaines et lavoirs. Épargnées par l’urbanisation, quelques-unes se signalent encore par de petits édicules :

D’autres ont disparu ou furent enfouies à quelques mètres sous terre (comme par exemple la fontaine Daurade: https://www.bordeaux-qqoqccp.com/themes/fontaines-de-bordeaux/fontaine-daurade).

> C’est donc également le cas de la fontaine Duplessy, située dans une cour intérieure, au niveau de la cave d’un immeuble de la rue Albert-de-Mun.

Les paroissiens de l'église Saint-Seurin, située en dehors des fortifications de la ville, appartenaient à une classe aisée et quelques uns avaient des maisons de campagne dans sa juridiction. Les architectes, les peintres qui travaillaient à l'embellissement des hôtels qui y ont été édifiés, avaient un domicile dans cette paroisse. La famille Duplessy y possédait ainsi une propriété.

Cette élégante construction était incluse dans le vaste jardin des Duplessy. Le plan de Lattré, levé en 1755, témoigne de son ampleur. Cette bâtisse avait été construite à la fin du XVIIème siècle en limite de la ville par l’architecte Pierre Michel Duplessy, par ailleurs conseiller au Parlement de Bordeaux et intellectuel brillant. (en 1662 chargé notamment par Vauban de diriger les travaux du Château-Trompette, puis en 1673 de construire la porte d'Albret, et la chapelle des Jacobins aujourd'hui l'église Notre Dame).

Son plan complexe s’organisait autour de trois cours. Il y avait un logement pour le jardinier, des écuries, un lavoir couvert, un vivier, des parterres et un labyrinthe de buis. Deux orangeries abritaient les agrumes: 48 pieds d’orangers, 15 pots de laurier-rose et 13 pots de jasmin d’Espagne figurent dans l'inventaire. Un poêle à charbon en réchauffait l’atmosphère pendant l’hiver. Une statue de lion montait la garde dans les parterres. Bref, le domaine des Duplessy offrait luxe et beauté.

Ainsi est-il dit qui y avait des plantes rares, une charmille admirable, des arbres séculaires constituant l'ornement du parc, où un réservoir alimenté par des sources vives, entretenait une exquise fraîcheur. "On ne trouverait pas en Guyenne un jardin plus vert, il n'en est pas non plus qui possède une plus riche variété de fleurs" (la passion de Mme Duplessy).

Veuve très jeune, Madame Duplessy incarnait l’élégance et la distinction; le jardin allait de pair avec le rang qu’elle occupait dans la vie culturelle de la cité. Il était donc important que les invités (Montesquieu fut un de ceux-là) eussent dès leur arrivée une impression à la mesure de la grâce de leur hôtesse. À ces agréments s’ajoutaient des espaces d’utilité : fouloir (pressoir), cuve cerclée de fer, chai, cuvier, cave à vin, verger. On distillait même sur place 😊.

L’eau arrivant de partout dans ce faubourg, on pouvait donc en en jouer. Dans la partie ouest du jardin, elle approvisionnait une magnifique fontaine puis un grand bassin qui servait à l’élevage des poissons d’eau douce (vivier). Son débit était assez considérable pour alimenter un réservoir (d'où plus tard le nom de la "rue du Réservoir") d'une superficie de 519 m². Les terrains des rues Duplessy et du Réservoir ont été portés au niveau du sol actuel (4 mètres au dessus de l'ancien sol) en 1779, lors de la création de la rue du Réservoir (aujourd'hui la Rue Albert de Mun).


  • DESCRIPTION

Dans un plan de 1774 des Archives municipales, sont portées quelques marches qui permettaient de descendre de la rue Duplessy (angle Nord de la rue du Réservoir/Albert de Mun) auprès du bassin. Aujourd’hui dans une cour intérieure, la fontaine présente toujours un décor de style classique, sa forme semble indiquer le style Louis XV. Elle est composée d’éléments sculptés illustrant le thème de l’eau : coquille, congélations, frise végétale encadrant la niche (peut-être des roseaux). Les deux socles de statues placés des deux côtés de la fontaine témoignent d'un long et fréquent usage, car les pierres supérieures de ces socles ont été limées de près de 5 cm par les seaux. Cette fontaine, qui a dû posséder au moins trois statues, alimentait ainsi les bassins de l'hôtel Duplessy. Un puits de jour dispense toujours aujourd'hui la lumière naturelle à l'intérieur de la cour.

D'autre part, la niche à gauche de la fontaine permet d'accéder au réservoir derrière le fond de la fontaine. Malgré quelques algues, l'eau y est toujours limpide et abondante. (l'eau vient elle d'une ou plusieurs résurgences des 7 sources de Fondaudège? A confirmer...).

De nos jours, le trop plein d'eau part ensuite dans la rigole centrale, puis dans une canalisation souterraine en direction de la rue... (Le 1er bassin de la fontaine étant aujourd'hui amputé par un dallage d'un niveau surélevé, et le réservoir a complètement disparu sous les immeubles et la rue).

Ce type de « fontaine encaissée » (de type "salle fraiche") était assez courant dans le bordelais à la fin du XVIIe siècle (château Olivier, Domaine de Bagatelle et la Manufacture à Léognan, Fontaignieu à Mérignac, château d’Eyrans: ici ). Au moment des grosses chaleurs de l’été, des bancs de pierre permettaient de savourer leur fraîcheur et le bruit argentin de leurs eaux vives. La fontaine Sainte-Croix près du Conservatoire régional, construite vers 1735, en constitue un des plus beaux exemples. (Voir: https://www.bordeaux-qqoqccp.com/themes/fontaines-de-bordeaux/fontaine-sainte-croix)

À partir de 1750, l’étalement urbain et le morcellement des propriétés firent disparaître peu à peu ce patrimoine pour établir de nouveaux hôtels, immeubles et constructions plus modestes. La fontaine fut miraculeusement épargnée ; en 1941-1942, on songea à la démonter pour l’installer quelque part sur les terrasses du Jardin public. Les intentions en restèrent là...

  • Voici en couleur JAUNE, uniquement ce qui reste aujourd'hui de visible de la fontaine. Plus de bassin ni réservoir de 519m² pour l'élevage de poissons.

(journal/la-petite-gironde/4-avril-1899)

  • CESSION ET PROJET AVEC LA MAIRIE

Il semble que début 1942, le Maire de Bordeaux (Adrien Marquet), ait adressé un courrier à M. Stéphane Blanchy (habitant du 20 rue Duplessy) avec des propositions de travaux à réaliser sur la terrasse du Jardin Public, et ce, suite à la "donation de la fontaine Duplessy" à la Ville (désignée également dans les échanges comme "petit monument"). Ce riverain avait en effet le mur du fond de son jardin, mitoyen avec la terrasse du Jardin public... Ces travaux devaient être de dimensions de 3m en hauteur et 5m en longueur. Il est question dans les courriers d'un percement et de l'établissement d'une niche faite dans le mur, et de l'établissement de la fontaine. M. Blanchy, s'engageait alors à céder gratuitement une portion de son mur mitoyen avec le Jardin Public. (il est noté en bas de page, que la Mairie "ne pouvait s'engager sur une date, car cela restait conditionné à une question de crédits"). Le montant des travaux et la valeur du terrain étant alors estimés à 1500 fr... La cession gratuite du terrain à la Mairie s'est bien réalisée début août 1942, cependant, il faut croire que les crédits, dans un contexte de guerre et d'occupation, n'ont pas été trouvés pour la réalisation de ces travaux...

(La volière attenante du voisin habitant au 20 rue Duplessy)


  • M'ENFIN !?

ANECDOTES ET INFORMATIONS ANNEXES

  • ROOOOHHH, UN CHAUD LAPIN CE MONTESQUIEU !!! 😊

Jeanne-Marie-Françoise Chazot (1702-1782), mariée en 1724 à l'église Saint Rémi à M. Claude Duplessy-Michel (1699-1736), receveur général des Fermes de Guyenne (les Impôts & droits de douanes), fils de Pierre Duplessy-Michel et de Jeanne Giron.

Jeune veuve de 34 ans, Mme Duplessy reçoit alors, à partir de 1736 dans son hôtel particulier tout ce que la société bordelaise compte d’esprits vifs et éclairés. Les grands parlementaires, les fondateurs de la Bibliothèque municipale, fréquentent le salon de Mme Duplessy.

> Montesquieu le 8 septembre 1742 écrit à son ami et collègue à l'Académie de Bordeaux, Barbot, président de la Cour des Aides : « mandez moi à l’oreille si je pourrais vous envoyer un « Temple de Gnide », bien relié en maroquin vert, pour en faire hommage à Mme Duplessy ». Le "Temple de Gnide" est un livre du philosophe que l’on peut considérer comme coquin 😊. Le 22 juillet 1749, Montesquieu récidive et demande à l’abbé Venuti : « faites je vous prie, ma cour à Mme Duplessy ». "Coquinou" ce Montesquieu! 😊. Initialement engagé à Marguerite Denis (fille d’un négociant des Chartrons anobli) le 30 avril 1715 à l'âge de 26 ans il était marié à Jeanne de Lartigue qui en avait 23. Ce mariage, loin d’être fondé sur des sentiments, était avant tout une association d’intérêts...


  • COLLECTIONS PARTICULIÈRES

> Il y avait alors à Bordeaux plusieurs cabinets d'amateurs de curiosités naturelles. Le plus illustre, celui de Mme Duplessy. Mme Duplessy avait, en deux ou trois ans, réuni une collection prodigieuse de coquilles et de fossiles, ainsi que de pétrifications et d'empreintes antiques sur des agates. Elle avait classé tout cela si bien dans son cabinet qu'elle avait distingué non seulement les spécimens en genres et types, mais qu'elle avait fait une subdivision des objets plus petits, qui n'avaient pas atteint tout leur développement. Elle était reconnue pour avoir beaucoup de connaissances et de discernement dans les sciences. Sa bibliothèque, élégante et choisie, ornait non seulement sa galerie, mais aussi sa conversation, qui était celle d'une personne très versée dans les belles-lettres.

On pouvait voir dans ce cabinet des pétrifications encore dans leurs gangues, des coraux qui montrant très clairement toutes les transformations des animaux, et aussi beaucoup de meubles indiens inconnus en Europe et d'autres curiosités (Cf. la description du cabinet de Mme Duplessy dans Dezallier d'Argenville, L'histoire naturelle éclaircie dans une de ses parties principales, la conchyliologie..., éd. de 1757, Paris, de Bure, in-4'', p. 138).

Le cabinet de Mme Duplessis possédait de riches bibliothèques comprenant des cartes de géographie, des livres de droit, d’histoire, de jurisprudence, d’histoire de l’art, de littérature et de sciences.

> Le pasteur précepteur Daniel-Zacharias Hallman, et ses élèves les deux fils de Henrik-Jacob Hildebrand (envoyé extraordinaire du roi de Suède Adolphe-Frédéric à la cour de Madrid) visitèrent le cabinet de Mme Duplessy, et firent aussi la connaissance de la fille aînée de Mme Duplessy, Elisabeth, la future Mme de Cursol. Elle leur fit admirer sa jolie collection de phalènes et leur fit cadeau d'un "préservatif" contre les mites, inventé par un moine.😊

NOTE: Deux autres salons rivaux à celui de Mme Duplessy essayèrent vers 1750, de lui disputer Ia faveur de Ia société bordelaise et du monde parlementaire : celui de Mme de la Chabanne, femme d'un trésorier de France, et celui de Mme Desnanots...

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> Création de la page & publication: 23 Janvier 2018. Posté le même jour sous pseudo "Djé Karl" sur le groupe public Facebook Bordeaux Je Me Souviens: LIEN du post